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Sélection des ouvrages

SÉLECTION DES 6 OUVRAGES POUR LE PRIX 2024

Choses-Serieuses

Isabelle CLAIR - Les choses sérieuses – Enquête sur les amours adolescentes, Éditions de l’EHESS, 2022.


Les premières amours sont des choses sérieuses : les filles s’y transforment en femmes, les garçons en hommes. Loin de la fraîcheur et de la liberté que leur prêtent parfois les souvenirs adultes, ces métamorphoses sont difficiles, pleines d’enjeux et d’embûches. Pour faire leurs preuves, les jeunes doivent s’efforcer de répondre à des attentes sans que celles-ci ne soient jamais nettement formulées, tant l’attirance et le sexe sont réputés affaires naturelles et spontanées. À partir de trois terrains d’observation qui l’ont menée des cités d’habitat social aux beaux quartiers parisiens en passant par le monde rural, Isabelle Clair propose une lecture sensible et incarnée de la façon dont les jeunesses françaises traversent cet âge des amours débutantes, du collège à l’entrée dans l’âge adulte. Elle montre qu’on attend toujours de la réserve de la part des filles, de la puissance de la part des garçons et que les conduites quotidiennes sont loin d’être bouleversées par le mariage pour tous et le mouvement #MeToo. Son travail d’enquête au plus près des expériences révèle ainsi comment les jeunes viennent à la sexualité.

Directrice de recherche au CNRS, Isabelle Clair est sociologue. Elle a publié Les Jeunes et l’amour dans les cités (Armand Colin, 2008) et Sociologie du genre (Armand Colin, 2e édition 2023). Elle a également dirigé, avec Elsa Dorlin, l’ouvrage collectif Photo de famille. Penser des vies intellectuelles d’un point de vue féministe (Éditions de l’EHESS, 2022).

Bénédicte BONZI - La France qui a faim, Anthropocène - SEUIL, 2023.


En France, dans ce pays riche où l’agriculture se veut productiviste et exportatrice, une personne sur dix doit recourir à des dispositifs d’aide alimentaire. Les Restos du coeur en sont l’un des acteurs principaux. Que leur existence soit devenue indispensable révèle l’absurdité et la triple faillite de notre système agricole, malade d’un bout à l’autre de la chaîne. Mondialisé et industriel, celui-ci participe au désastre écologique en cours tandis que nombre d’agriculteurs français sombrent dans la pauvreté malgré un lourd labeur.

À travers l’incroyable travail réalisé par l’association fondée par Coluche il y a bientôt quarante ans, on pourrait croire que les dons de nourriture et de temps répondent au droit à l’alimentation. Pourtant, il n’en est rien. Sur le terrain, les bénévoles sont en souffrance. Ils constatent que leur action, loin d’aider à sortir de la pauvreté, consiste surtout à maintenir une paix sociale, en évitant des vols et des émeutes de la faim. Car l’impossibilité à accéder à la nourriture est une violence qui s’exerce contre les plus pauvres. On sort profondément ébranlé de cette enquête dans le monde invisible du quotidien de l’aide alimentaire.

Et si, dans une société démocratique, l’urgence consistait moins à donner de la nourriture que des droits pleins et entiers ?

Bénédicte Bonzi est docteure en anthropologie sociale, chercheuse associée au LAIOS (Laboratoire d’Anthropologie des institutions et des organisations sociales). Elle se saisit de la question de la violence dans le système alimentaire à travers les impacts des politiques d’aide et de don. Aujourd’hui elle accompagne les collectivités dans leurs transitions alimentaires chez Auxilia Conseil.

France-qui-a-faim
Avenir-confisque

Nicolas DUVOUX - L'avenir confisqué : inégalités du temps vécu, classes sociales et patrimoine, PUF, 2023.


Croisant réflexion spéculative et enquêtes sur le bas, le milieu et le haut de la société, Nicolas Duvoux montre comment le sentiment de l’avenir constitue un indicateur précieux, et irremplaçable, de la position sociale. La capacité subjective à se projeter positivement dans l’avenir constitue une clé de lecture de la société au double sens où elle permet de décrire la hiérarchie sociale mais aussi de rendre compte des relations inégalitaires qui s’y nouent et de leur reproduction. Tout le monde n’est pas logé à la même enseigne face à la crise de l’avenir. Les plus dotés sont aussi les mieux à même de maîtriser l’avenir, individuel et collectif, ce qui entraîne anxiété et peur du déclassement au sein des classes moyennes, dépossession et insécurité radicale en bas de l’échelle sociale.

Sans renier la recherche d’objectivité scientifique mais au contraire en en raffinant les instruments, Nicolas Duvoux démontre comment la subjectivité peut servir de révélateur aux inégalités, notamment de classe sociale. Il fait ressortir l’importance du patrimoine économique à partir de la sécurité que sa possession procure – et de l’insécurité sociale endémique dans laquelle son absence plonge.

Prenant appui sur des travaux en philosophie, en psychologie ou en épidémiologie, il déploie une manière d’appréhender le monde social qui articule, sans les opposer, le présent, le passé mais aussi l’avenir tel que l’on se le projette, l’objectif et le subjectif, l’individuel et le collectif. Ce livre porte ainsi un regard sociologique sur le monde qui restitue l’épaisseur vécue de l’existence pour mieux penser les asymétries et formes de domination sociale, et il vise par là à réintégrer la sociologie dans un projet scientifique plus global.

Nicolas Duvoux est professeur de sociologie à l’Université Paris 8 (Cresppa-LabTop). Il a coordonné avec Cédric Lomba Où va la France populaire ? (Puf, « La vie des idées.fr », 2019). Il est également l’auteur des Inégalités sociales, (« Que sais-je ? », 2e éd. 2021).

Solène BRUN - Derrière le mythe métis – Enquête sur les couples mixtes et leurs descendants en France, Armand Collin, 2022.


En France comme aux États-Unis ou au Brésil, le métissage fait l'objet d'une véritable obsession, entre haine raciste animée par la peur d'attenter à la " pureté de la race ", qui plonge ses racines dans l'histoire esclavagiste et coloniale occidentale, et discours bienheureux et pacificateur, qui voit en lui un espoir pour l'avènement de sociétés postraciales enfin débarrassées du racisme. Ces positions apparemment antagonistes sont en réalité les deux faces d'une même analyse : le métissage diluerait les identités raciales.

Mais qu'en est-il véritablement ? Prenant au sérieux une question restée sous-explorée dans les sciences sociales, cet ouvrage propose de plonger dans la vie quotidienne des familles " métissées " dans la France d'aujourd'hui. Qui sont ceux que l'on appelle les " couples mixtes " ? Comment se construisent leurs descendants, les " métis ", qui grandissent entre plusieurs appartenances, plusieurs identifications, parfois plusieurs langues ou plusieurs cultures ? De quelle manière ces familles sont-elles perçues au quotidien et se perçoivent-elles elles-mêmes ? Comment se transmettent les identités lorsque parents et enfants ne sont pas racialisés de la même manière ?

Grâce à une analyse à la fois sociologique et historique, Solène Brun interroge la négociation des catégorisations raciales et la construction de l'identité des personnes issues de " familles mixtes ". En confrontant le " mythe métis ", c'est-à-dire les discours et représentations entourant le métissage, à l'analyse sociologique de ces expériences intimes, cette enquête nous permet de mieux cerner la persistance des frontières raciales dans une société française encore réticente à aborder des questions qui la travaillent en profondeur.

Solène Brun est sociologue, chargée de recherche au CNRS. Spécialiste des questions raciales, elle a notamment publié, avec Claire Cosquer, Sociologie de la race (Armand Colin, 2022).

Mythe-metis
Enfants-des-bidonvilles

Margot DELON - Enfants des bidonvilles – Une autre histoire des inégalités urbaines, La Dispute, 2024.


Des violences policières au mal-logement, les banlieues populaires semblent frappées d’une malédiction que rien ne peut enrayer. Mais est-ce vraiment le cas ? Comment, au fond, se reproduisent les inégalités sociales et urbaines ?

Enquête dans le passé oublié de nombreuses villes françaises, ce livre raconte l’histoire des enfants des bidonvilles de l’après-guerre, qui comptaient en 1966 près de 75 000 habitant·es. À Nanterre, à Champigny-sur-Marne et ailleurs, Algérien·nes, Marocain·es, Tunisien·nes et Portugais·es, ces enfants ont grandi dans des baraques puis dans des cités de transit marquées par la précarité et l’exclusion. Aujourd’hui adultes, ils témoignent de ce qu’ont été leurs vies avant et après la destruction des bidonvilles. Loin des préjugés, leurs trajectoires montrent que l’inéluctable ne l’est pas toujours et que si les effets structurels du racisme ou de la pauvreté sont écrasants, les mobilisations des familles et auprès des familles permettent parfois d’enrayer la reproduction des inégalités.
Réunissant des récits inédits, des archives et des observations ethnographiques, Enfants des bidonvilles s’adresse à un public curieux des sciences sociales et de cette histoire, aux multiples ramifications contemporaines.

Margot Delon est sociologue au Centre Nantais de sociologie et au CNRS, chercheuse résidente à l’École Française de Rome. Ses travaux portent sur la fabrique des inégalités, saisie à travers différents objets (le logement, les migrations, les socialisations, la mémoire…).

Anne MUXEL - Ils m’ont jamais lâché – Au cœur des quartiers avec les jeunes et leurs éducateurs de rue, Le Bord De L'eau Eds, 2024.


Comment aider et accompagner les jeunes pour prévenir les dérives et leur permettre de mettre en forme un avenir désirable ? Tel est le pari de la prévention spécialisée, un angle mort et peu connu de la Protection de l’enfance.

Le travail entrepris par les éducateurs de rue n’est jamais gagné d’avance. Tels des semeurs de graines et des créateurs de lien, ils ont à gagner la confiance des jeunes pour s’aventurer avec eux sur un chemin de résilience et d’ouverture des possibles.

Ce livre s’appuie sur une enquête de terrain et sur un ensemble d’entretiens approfondis, une centaine, menés auprès des éducateurs et des publics concernés. Il permet de découvrir et d’appréhender la spécificité du travail de la prévention spécialisée à partir des regards croisés de ses différents protagonistes, en prenant non seulement en compte l’expérience des éducateurs, des adolescents et des jeunes, mais aussi l’évaluation rétrospective des jeunes adultes et des adultes ayant été suivis dans leurs jeunes années.

Anne Muxel est Directrice de recherches en sociologie et en science politique au CNRS (CEVIPOF/Sciences Po). Ses travaux dans le champ de la sociologie politique s’attachent à la compréhension des formes du lien des individus à la politique et plus largement au système démocratique. Elle est également une spécialiste reconnue des études sur la jeunesse, des processus de socialisation et de construction de la citoyenneté.

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